mardi 16 mai 2006

Souvent



Souvent, on s'pense pas mal plus tough qu'on l'est en réalité. Souvent, on s'croit paré à toutes éventualités, au pire comme au mieux. Souvent, on est certain que le chemin parcouru est suffisant, qu'on est rendu où on doit être.

Hier midi, ma mère, qui était à notre nouvelle maison pour nous aider à emménager, a reçu un coup de fil alarmant. Mémé, la vieille madame sur la photo d'en haut, Mémé vivait beaucoup de complications côté santé. Depuis des mois qu'elle se bat pour aller mieux, pour continuer à habiter son appartement et nos vies, pour voir sa famille être heureuse, depuis des mois qu'elle va de moins en moins bien, malgré ses efforts, malgré les efforts de tous pour l'aider...en vain.

Ma mère est entrée dans la maison en coup de vent, en disant qu'elle s'en retournait à Trois-Rivières, pour être au chevet de Mémé. J'étais impuissant, sidéré par la nouvelle. Je l'ai prise dans mes gros bras pis je l'ai serrée fort fort. Papa ramassait ses trucs. Lui aussi en bavait un peu: il savait ce qui s'en vient. Catherine nous réconfortait du mieux qu'elle pouvait et moi, j'gardais tout en dedans: le roc inébranlable, ça me connaît.

Ils sont partis, laissant là tout le bataclan de rénovation, leurs vêtements, la bouffe, la cafetière et les sandwiches à demi mangés. J'suis allé promener Moe.

Vers 18h30, le téléphone sonne. C'est papa. "Pis mon Pit, c-est-y ton premier téléphone que tu reçois?" qu'il m'a lancé plein d'esquisses de sourire dans la voix. "Ben, y'est pas ben ben l'fun" Silence. "Faudrait que tu viennes, parce que Mémère en a pas pour longtemps. Le docteur a dit 24/48 heures." gros silence, des deux côtés. "on s'en vient papa". "amène Moe, il va pouvoir dormir dans votre chambre en haut." qu'il m'a répondu. On est parti vite, moi avec Moe, catherine toute seule dans l'autre voiture.

En route, j'ai craqué. Deux trois fois, pas plus. Mais j'pensais à Mémé, à Doris, ma tante handicapée, à mes parents, à toute la famille. Et à ma mère. Ma mère qui s'en voulait de nous laisser tous seuls, sans que la peinture soit terminée.

On s'est arrêtés à l'appart', ramasser quelques trucs et on est repartis rapidement. Moe a grogné quand le pompiste s'est penché pour parler à Catherine. Deux jours et il est déjà protecteur.

À l'hôpital, j'ai failli arracher la tête du gardien parce que "les visites sont terminées monsieur", mais Catherine lui a dit que ma Mémé était en phase terminale. J'n'aurais pas été capable de le dire. Merci chérie.

Je déteste les hôpitaux, aller voir les gens malades et mourants, c'est pas ma tasse de thé. La montée en ascenseur était longue et longue et longue. Les portes se sont ouvertes, sur Sylvie et Estelle, deux de mes tantes, au téléphone public. "Par là, 556".

Papa était dans le corridor, devant la porte. Maman dans la chambre avec Mémé. On s'est fait un gros calin à trois, papa Catherine et moi. Maman est venue nous rejoindre. J'suis entré avec mes parents, qui sont restés au pied du lit, pendant que je m'assoyais à côté de ma Mémé. J'ai pris sa main qui était chaude et douce, je l'ai serrée un peu. Elle a ouvert les yeux, qui se sont allumés comme dans un grand sourire. Papa lui avait dit que je m'en venais et elle lui avait répondu: "oh, mon Gros!" Je lui ai parlé un peu, j'lui ai flatté les cheveux et donné un dernier baiser sur le front.

Malgré ma chemise rose et mon intention de cravate colorée, j'ai pas pu tenir la promesse que je m'étais faite: je braillais comme un veau.

Avant de quitter l'hôpital, j'suis retourné la voir. Elle a serré ma main d'elle-même et m'a dit Merci beaucoup. J'lui ai embrassé les mains et je suis parti. J'étais plus capable.

Souvent, on s'pense plus tough qu'on l'est en réalité...

Je t'aime Mémé.

4 commentaires:

François a dit...

Je compatis, en me remémorant bien ce par quoi tu passes.

Anonyme a dit...

Je t'envoies tout plein d'ondes positif frederic et je sympathise énormément avec toi!

Moi aussi je l'aime mémé et je sais à quel point tu l'aimes!

Prenez soin de vous autres et offre mon amour et mes sympathies à tout le monde!

Anonyme a dit...

En ces temps difficiles, je compatis avec toi, Fred.
Traversant moi-même une période très creuse, j'suis comme toi; brailler n'est normalement pas pour moi un moyen adéquat pour démontrer ma peine ou mon désespoir.
Pourtant, et c'est drôle de s'exprimer ainsi, ça fait tellement du bien !
Bref, mes sympathies.

Magique a dit...

Ca faisait longtemps que j'étais pas passée dans le coin. Alors j'apprends du coup la nouvelle maison loin loin. Le p'tit pitou. Et la mémé.

J'ai moi aussi enterré la mienne l'automne dernier. C'est tout un morceau de notre enfance qui part avec nos grands-parents hein? Néanmoins, je te trouve chanceux d'avoir pu passer la saluer et d'avoir eu l'occasion d'aller l'embrasser. J'ai raté cette chance là moi. Ca m'arrivera pu jamais!

Je t'offre (bien à retardement) toutes mes sympathies Fred.

Des fois on se pense bin tough....mais en dedans, on est toujours comme du bonbon tendre. Et c'est la plus belle chose qui soit!

Amitiés à Catherine