mercredi 12 juillet 2006

Rare tranche de vie

P'tit gars, I feel for you.  C'est certain que les conséquences que je subi quotidiennement sont minimes comparées à celles qui t'attendent, c'est certain que ce qui t'arrive est pire que ce que j'ai vécu, mais je comprends.  

Je comprends la modification inéluctable de ta vie, les changements radicaux que cela comporte, les défis à relever quotidiennement, les regards, les cicatrices sur la peau, les cicatrices dans le coco, les peurs, les malaises, les inconforts.  J'te brosse un tableau clair, net et précis: ça s'ra pas facile.

J'te l'dis, c'que j'ai, c'est rien comparé à toi.  T'as plus de jambes.  Moi, c'est plus pernicieux:  j'ai eu l'aisselle déchirée. Bien moins visible. En plus, c'était à une époque où poursuivre était beaucoup plus difficile. Tu vas avoir un bon montant d'argent pour t'assurer un avenir un peu moins poche. Ça change rien à ce qui t'es arrivé, mais c'est déjà ça de pris.

4500$

C'est ce que j'ai eu. Ça ne couvrait même pas la moitié des frais encourus par mes parents. Médicaments, bandages, pansements, experts divers, essence, frais de gardiennage, etc.

Et moi, j'suis pris avec une hypersensibilité du bras gauche, difficile à expliquer et à faire comprendre, des élancements aussi violents que soudains, une peur des éléments que je ne contrôle pas et une TOC décuplée. Mais ça, ça ne paraît pas.

P'tit gars, il paraît que tu y es pour un peu dans ton malheur, que t'aurais fait exprès pour déplacer le couvercle du filtreur. Ça enlève rien au drame que tu vis.

Ça va faire 19 ans que ma vie suis une tangente différente à cause de mon accident de glissade d'eau. Un accident bébête, qui aurait pu être évité n'eut été de la cupidité rongeante des exploitants du parc, qui n'avaient pas cru bon de faire vérifier l'état des glissades car le beau temps était synonyme d'entrées payantes. Ils auraient remarqué ce que les ingénieurs engagés par mon papa ont remarqué: l'angle du dernier virage n'était plus assez prononcé à cause du dégel.

J'glissais depuis le début de la journée et mon ami Pierre m'a demandé si on allait s'baigner dans le lac. J'lui ai dit "une dernière glissade et on y va." Toutes les fois précédentes, je glissais en position assise, mais là, j'ai eu le goût d'essayer couché. J'avais mentionné à la responsable de la glissade que j'montais assez haut sur les parois quand je glissais. "Y'a pas de danger" qu'elle m'a dit, " Y'a du monde plus lourd que toi qui glisse." J'étais déjà bouboule dans l'temps.

Je glisse, j'ai du fun, de l'eau dans le visage et, dans le dernier virage, je suis éjecté de la glissade. En temps normal, j'serais atterri sur du gazon, dans un bassin ou, dans ce cas-ci, dans le lac. Mais la cupidité rongeante des exploitants du parc faisait sentir sa présence jusqu'au lac. Ne voulant pas que les baigneurs du lac remontent les escaliers de glissade et profitent ainsi d'une activité gratuitement, ils avaient fait installer une clôture à 60 centimètres de la glissade.

PENDANT LE VOL PLANÉ

- Je joue au baseball....Mon bras droit, faut pas qu'il se casse...J'pourrai plus jouer.

C'est ce à quoi j'ai pensé. Un p'tit cul de 11 ans qui ne veut pas scrapper son été. J'ai fait une pirouette dans les airs, pour que mon bras gauche et non le droit percute la clôture. Par chance.

ARRÊT DU VOL PLANÉ

Bang! La clôture. Ça, je ne m'en souviens plus. Effacé, disparu. Tout ce que je me rappelle, c'est le sifflet strident de la sauveteure. C'est tout.

APRÈS LE VOL PLANÉ

J'suis dans l'eau. Je vois la sauveteure me regarder et siffler. J'ai chaud à la cuisse gauche. Je regarde. C'est rouge, sur toute la largeur. Mon regard remonte tranquillement (pour moi du moins). Mon maillot est taché, maman ne sera pas contente. Mon flanc aussi est rouge. Je lève un peu les yeux. Une bouillie, d'où sort du sang. Beaucoup de sang. Je hurle: LES SANGSUES! On n'a pas les mêmes urgences quand on est kid.


Voilà P'tit Gars. T'es pas l'premier, ni le dernier, à te péter la gueule dans une glissade d'eau. T'étais juste pas dû pour partir tout de suite. Oublie pas de dire merci aux gens qui t'ont aidé.

Frédéric

3 commentaires:

La vie au Max a dit...

On est petit, on joue dans l'eau, il fait chaud.. un jeu dans son enfance qu'il se rappelera toute sa vie...

Anonyme a dit...

Ouh. Je suis triste pour lui, je ne savais pas pour toi, blogueur inconnu, mais I feel for you too.

:(

Anonyme a dit...

Tiens, je viens de tomber la dessus, un autre avec les mêmes combats que vous deux!
http://www2.canoe.com/infos/societe/archives/2006/07/20060715-101501.html

Carl