lundi 5 septembre 2005

la découverte de l'identité et histoires d'enfance)

je devais avoir quatre ou cinq ans. Je ne m'en souviens que vaguement, et encore parce que ma mère se plaît à raconter l'histoire à tous ceux, ou presque, qui croisent mon chemin.

Nous habitions temporairement chez Mémé, le temps que papa finisse de construire la maison. Nous revenions de chez ma tante Estelle, dont la demeure est à deux coins de rue de l'ancienne maison grand-matriarcale. Curieux et fougueux de nature, je marchais une bonne vingtaine de pas devant ma mère, scrutant attentivement chaque craque de trottoir, suivant un papillon, m'arrêtant devant ce nouveau petit voisin, d'à peu près mon âge.

ma mère entend des cris, un début d'engueulade de marmots. Elle presse le pas pour voir ce qui se passe.

Je me retourne d'un bloc et demande à ma mère: MAMAN! Est-ce que je peux jouer avec le petit gars noir qui a une calotte rouge et un bécyk bleu?

Sous l'oeil vigilant de la maman du petit garçon.

Ma mère acquiesce et, pendant qu'elle fait connaissance avec la nouvelle voisine, je commence à jouer avec le petit garçon noir à la calotte rouge et au bécyk bleu.

re-cris, re-début d'engueulade de marmots, mamans aux yeux de faucons qui brûlent nos peaux tellement elles nous regardent fort.

- NON, tu ne peux pas t'appeller Frédéric! C'est MOI qui s'appelle Frédéric...Dis-lui maman, c'est moi Frédéric.
- Mais, mon chéri, il y a plusieurs petits garçons qui s'appellent Frédéric, comme toi.

Pour une rare fois, j'suis resté sans réponse, bouche bée devant l'ampleur de la révélation.

D'autres. Frédéric. Ça. Se. Peut. Pas.

Je ne me souviens pas si j'ai rejoué avec lui. MAis une chose est certaine, je ne lui ai pas montré ma barbotte.


LA BARBOTTE (ou le premier contact avec la mort)

papa me l'avait promis: la sortie d'hommes de ce dimanche, c'était la pêche sur le bord du lac St-Pierre. Parce que les dimanches, c'était sacré: maman faisait des longs dodos pendant que les hommes faisaient des activités d'hommes!

On se retrouve donc sur le bord de l'eau, après un court voyage d'une vingtaine de minutes dans le pick-up vert. Malchance ou manque de technique: je n'attrape rien, à part quelques amas d'algues et des lignes d'autres pêcheurs...bref, rien pour alimenter mon égo.

Un habitué voyant ma mine déconfite m'offre sa barbotte, qu'il garde dans un seau. Il m'explique ce que je dois faire: aérer l'eau, pour qu'elle puisse respirer, mettre de la terre, pour qu'elle se sente comme chez elle et la nourrir, mais pas trop.

On place le seau en sécurité sur la banquette arrière du pick-up et je garde les yeux rivés sur MON poisson tout le long du voyage. Un petit répit pour papa...L'excitation est palpable dans la cabine: j'ai hâte de montrer MON poisson à ma mère.

On arrive à la maison, papa sort le seau pendant que je cours à l'intérieur, oubliant presque d'enlever mes bottes de caoutchouc. J'aurais passé au cash, avec les yeux méchants de mémé et de maman! Je crie, je saute, je cours, j'invite toute la maisonnée sur la galerie.

Une fois la famiglia arrivée, je remonte ma manche droite jusqu'au coude et je plonge ma main dans l'eau froide du seau pour y prendre la barbotte. JE la sors et la montre fièremement à ma mère et ma mémé, qui m'implorent derechef de la remettre dans le seau: c'est pas propre, une barbotte.

Papa m'explique qu'il faut pas la sortir longtemps de l'eau, parce qu'elle va avoir de la difficulté à respirer. Hein? Moi, c'est le contraire, quand j'garde ma tête longtemps dans l'eau, je deviens étourdi et je dois remonter vite-vite pour respirer. Mais pour les barbottes, c'est le contraire on dirait.

Je vais dîner et en profite pour donner quelques vers à la, non MA, barbotte, pour qu'elle bouffe elle aussi.

C'est pendant l'après-midi que j'ai élaboré mon plan euh..marketing. En effet, à quoi ça sert d'avoir une barbotte si on ne peut pas-

1 - la montrer aux amis
2- jouer avec

J'ai donc enlevé un peu d'eau du seau, rajouté du sable et savamment placé le tout dans ma brouette. La barbotte-mobile était née.

je me suis promené tout l'après-midi, arpentant les trois rues que j'avais le droit de visiter, interpellant toutes les personnes que je connaissais de près ou de loin, pour leur "présenter" ma barbotte, leur expliquant comment on devait faire pour bien s'en occuper.

En la tenant par la queue, un bon pieds au dessus de son seau.

Quand elle commençait à moins s'agiter, je la laissais tomber dans le seau. En spécifiant que c'était un truc que je lui avait appris...Une barbotte plongeuse et son maître ratissait les rues de St-Odilon....

Le dimanche soir, je l'ai encore nourrie, changé l'eau et ajouté un peu de sable et je suis rentré dans la maison. Le lendemain matin, le temps du déjeûné de la barbotte venu, je suis sorti.

Barbotte flottait, sur le côté. je l'ai poussé du doigt trois ou quatre fois. Aucun mouvement. Papa m'a expliqué la vie et la mort.

J'ai dit que j'voulais que personne mange ma barbotte.

On l'a enterré en dessous des roches, dans la cour chez mémé.

J'pense que ma mère était soulagée qu'elle aie pas toughé plus longtemps. C'est que je commençais à puer sérieusement.

1 commentaire:

Anonyme a dit...

Ca veut dire que quand j'étais petite j'ai joué sur un terrain où il y avait une barbotte morte par la faute de mon cousin!?!?
Erk! :D

Mariko

P-S On se revoit en fin de semaine... tamtamtabam, tamtamtabam....