lundi 21 mars 2005

Les premiers super-héros

J'parle pas de superman, batman, spiderman.

Mais de papa-man et de ma-man

Nos premiers héros, ceux qu'on essaie d'émuler de notre mieux toute notre vie (des fois, ils peuvent être nos nemesis, mais dans mon univers, ce sont des héros gentils (dieu que ce que je regarde comme film influence mes posts (j'ai écouté les incredibles vendredi)) passque je veux faire comme eux)

sauf qu'à un moment donné, on voit le trucage. Papa-man et ma-man sont des gens normaux, pas juste les personnes qui tuent les monstres dans nos cauchemars, qui s'battent plus fort que nous contre l'otite, qui s'fendraient en quatre juste pour qu'on soit heureux.

Quand on voit le trucage, on s'rend compte que nos parents sont mortels.

Pour maman, c'est simple, c'est quand j'ai eu mon accident, parce que sinon, ma maman elle est toujours forte devant les autres (mais elle se tape de ses migraines parce que sa tête est plus capable de contenir toutes ses émotions je pense) et ne montre jamais qu'elle peut avoir mal. C'est quelque chose que je garde d'elle. C'est bon pis c'est pas bon en même temps.

Donc, quand j'ai eu mon accident, (voir le post sur les regrets) mes parents étaient partis en voyage. C'était la première fois qu'ils partaient pendant que j'étais en colonie de vacances. La première! à 12 heures de route. Ils sont revenus le lendemain matin (ils ont su à 23h), à 5h. Avoir écouté ma mère, mon papa serait remonté dans la voiture illico et ils se seraient tapé les 900km de nuit. Ils sont arrivés vers 14h à mon chevet et ma mère était dans tous ses états.

POur papa, c'est allé un peu plus loin, dans le temps et dans le constat.

première fois:

Je devais aller chez le dentiste, et comme j'étais pensionnaire, mon père venait me chercher le soir pour y aller. C'est l'hiver, je suis habillé et j'attends au poste habituel. Pas de papa. Je suis au bout du grand corridor du 3ème étage, près de la chapelle et de la bibliothèque. Papa apparaît au bout du corridor, près des classes. Je cours vers lui mais je stoppe ma course à mi-chemin. Y'a quelque chose d'étrange, une lourdeur dans ses pas. On s'rejoint au deux-tiers du chemin. Il reste muet. Sa figure est toute rouge, ses yeux gonflés. Il met sa main sur mon épaule et me dit: "vient, on va aller à la chapelle." En marchant, il ramasse toutes les miettes de son courage pour me dire que son père est décédé. "Grand-papa Mailloux est mort, on va aller prier." J'étais là, ti-cul de 12 ans, à côté de mon héros, un grand et gros monsieur, qui pleurait comme un p'tit gars, incapable de faire ou de dire quoi que ce soit. Ce jour là, j'ai compris que mon père était pas fait d'acier.

Deuxième fois:

Je reviens du cégep, j'ai une lettre que j'attendais depuis quelques semaines qui m'attend sur le comptoir. La réponse pour mes auditions à Up with people. Y'a personne à la maison: normal, y'est même pas 18h. Je patiente 5 minutes et j'ouvre. Je suis accepté. Plus de 10 000 personnes dans le monde font une demande et seulement 500 sont sélectionnés. Je suis un de ceux-là. Je vais attendre une année avant d'aller à l'université, mais cette année, je la passerai en tournée, à faire de la musique avec une centaine d'autres jeunes de partout dans le monde. WOW! 19h...toujours personne. 20h...téléphone qui sonne. C'est ma tante qui veut me parler. Elle me dit de ne pas m'inquiéter que tout est correct...QUOI! Juste le fait que tu m'appeles ça m'inquiète. Elle me dit que tout va bien, que ma mère va m'appeler. Je raccroche et je fais les dix millions de pas. les minutes s'égrènent, l'horloge ne révolutionne pas assez vite pour moi.

re-téléphone. Maman qui me parle. J'suis plus ou moins présent. Papa...crise cardiaque, soins intensifs, miracle...j'griffonne le numéro de la chambre et je saute dans ma voiture. J'ai 18 ans, bientôt 19. J'évite 14 accidents en me rendant à l'hôpital. je stationne la voiture du mieux que je peux et je me propulse vers l'unité des soins intensifs. Rendu là, je n'ai plus envie d'avancer; je suis soudé au sol.

Ma mère vient me voir, me résume la situation. J'entre dans la chambre. Au milieu des toiles d'araignée de tubes, au milieu des bips-bips assourdissants, au milieu d'un petit lit d'hôpital, sous le drap blanc et les perfusions, y'a mon père. enfin, la coquille de mon père. Ses yeux se tournent vers moi. Je le le regarde, sans dire un mot. Il me fait signe d'approcher. Je fais quelques pas vers le lit, je m'asseois sur une chaise et je prends sa main. Il me dit que tout va être correct, qu'ils s'occupent bien de lui.

Je me retiens pour ne pas pleurer devant lui. Son fiston est fort, il le sait. Je reste quelques minutes, parce qu'il doit se reposer. Je prends un de mes bracelets tressés et je le mets à son poignet. "pour que tu penses à moi, pour te donner ma force papa, pour te montrer que je pense à toi." Je suis sorti, je l'ai regardé une dernière fois et ne suis retourné à l'hôpital qu'à une seule occasion. J'étais incapable de le voir comme ça.

Cette journée-là, je me suis rendu compte que mon papa était mortel.

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ça fesse comme un dix-roues cette constatation, oh oui. Voir ses parents vieillir.

pis c'est encore plus vrai maintenant que j'entre dans un nouveau cycle de vie.

J'ai des cheveux blancs aussi (ce qui fait capoter ma mère) je me marie dans moins de 6 mois et mon père m'a fait un compliment détourné l'autre soir, une manière bien à lui de me montrer sa fierté.

cath, papa, Jean-jean (un ami de la famille) et moi étions ensemble, à discuter de plein de trucs. On parle de job et jean-jean fait une remarque sur ce que coûte un mariage, la vie à montréal. Mon père le regarde et, avec un ton de papa fier, lui dit: "uh, y gagne plus que moi!".

Ok vieux singe, tu me l'as pas dit directement, mais je sais que t'es content de voir que "j'vivrai pas dans la misère", que t'es content de me voir devenir un homme.

Je sais qu'il ne lira probablement jamais mon blog (passqu'avec internent, les gens s'parlent pus selon lui) mais j'pense qu'il le sait. Lui et maman sont encore mes héros. Pis ils le resteront toujours

3 commentaires:

Anonyme a dit...

J'ai découvert ton blog il y a quelques temps.

bien souvent j'étais morte de rire suite à la lecture de tes posts.

mais présentement j'ai plutot une boule d'émotion en pleine gorge.

t'a un réel talent d'écrivain.


bravo à toi....

une lectrice fantome qui a décider de se dévoiler......

Frédéric a dit...

ben...j'peux juste répondre merci!

ça fait drôle de savoir que des gens que je ne connais pas me lisent (pis j'voudrais peut-être en faire ma vie, un peu paradoxal...) mais j'suis content de voir que mon blog te dilate la rate...Pis pour ce que j'ai écrit aujourd'hui, ça fait 10 ans que c'est arrivé, depuis c'temps-là, mon papa est retourné quelques fois à l'hôpital "mais tout va bien" qu'il nous dit.

Le vieux crisse, il va nous enterrer! ;O)

Mlle B. a dit...

Wow... très touchant ton texte... j'en suis bouche (enfin, clavier) bée...

Ysa